Le plancher pelvien et la course à pied

Beaucoup de mythes entourent encore la santé pelvi-périnéale, le plancher pelvien et encore plus, leur lien avec la course à pied! Prenons le temps de comprendre ce que sont les muscles du plancher pelvien ainsi que leur fonction durant une activité d’impact comme la course à pied.

 

Comprendre le plancher pelvien

Présent chez les femmes et les hommes, le plancher pelvien est un ensemble de muscles et de fascias qui s’insèrent du pubis jusqu'au coccyx. Il forme alors un hamac et devient le «plancher» de la région pelvienne.

 

Le plancher pelvien possède quatre rôles essentiels:

  1. Il assure la continence urinaire et fécale.
  2. Il soutient les organes pelviens (vessie, utérus, rectum, intestins, prostate).
  3. Il est impliqué dans la fonction sexuelle.
  4. Il contribue à la stabilité lombo-pelvienne et au maintien d’une pression intra-abdominale équilibrée en travaillant avec les autres muscles de l’unité interne, soit le diaphragme respiratoire, le transverse de l’abdomen et les multifides.

 

Comme l’ensemble des muscles de l’unité interne, les muscles du plancher pelvien ont une fonction anticipatrice et une capacité de recrutement automatique. Cette notion sera d’ailleurs importante plus loin dans ce texte.

 

Plus spécifiquement, les muscles du plancher pelvien sont disposés en trois couches musculaires:

  1. superficielle;
  2. moyenne; et
  3. profonde.

 

Les fibres qui composent ces muscles anti-gravitaires sont majoritairement de type I, dites «lentes» et «endurantes», car elles sont recrutées régulièrement, pour des durées prolongées et à des intensités sous-maximales.

 

 

Réactions du plancher pelvien durant la course

Il peut être tentant de penser que les muscles du plancher pelvien sont recrutés de façon constante ou continue, durant un sport d’impact comme la course à pied. Or la science nous révèle plutôt que l’activation des muscles du plancher pelvien durant la course à pied est cyclique, tout comme l’augmentation et la diminution de la pression intra-abdominale.

 

La science nous confirme aussi la fonction anticipatrice et automatique des muscles du plancher pelvien durant la course et ce, chez les sujets sains ou les femmes ayant des fuites urinaires légères avec des muscles du plancher pelvien forts (force moyenne de 5 sur l’échelle modifiée d’Oxford). Cette fonction s'effectue selon un processus cyclique en 5 étapes:

  1. la pression intra-abdominale augmente juste avant la pose du pied au sol;
  2. les muscles de l’unité interne, dont les muscles du plancher pelvien, s’activent davantage;
  3. le pied touche le sol;
  4. la pression se rétablit; et
  5. les muscles diminuent leur niveau d’activité.

Et ainsi de suite, à chaque attaque du pied au sol.

 

Vous comprenez maintenant pourquoi il est déconseillé de contracter les muscles du plancher pelvien durant toute votre sortie de course. C'est tout simplement impossible, et ça ne reproduit pas adéquatement le patron moteur automatique de recrutement des muscles du plancher pelvien.

 

 

Une question de force musculaire seulement, vraiment?

Il est aussi tentant de croire qu'avoir des muscles du plancher pelvien très forts est un gage de succès pour la pratique de la course à pied. Or quelques nuances s'imposent.

 

Rappelons premièrement que les muscles du plancher pelvien sont généralement activés de façon sous-maximale. Une croyance populaire véhicule pourtant qu’il faut avoir une cote d’au moins 3 sur l’échelle modifiée d’Oxford pour pouvoir pratiquer la course à pied en postnatal. Cette mesure de force est prise en position couchée, alors que la personne est statique. Elle ne reflète donc pas du tout comment le plancher pelvien sera activé durant une activité dynamique en position debout comme la course à pied. Il est fort probable que les muscles ne s’engagent pas de la même façon en statique versus en dynamique ou en position couchée sur le dos versus debout.

 

Il est aussi possible que la femme n’ait même pas une force de 3 sur 5 avant de tomber enceinte ou avant d’accoucher, et ce, sans pourtant avoir des fuites urinaires ou de la lourdeur périnéale à la course. De plus en plus, la science montre que l’incontinence urinaire est bien plus qu'une simple question de force des muscles du plancher pelvien.

 

 

En conclusion

Il n'est pas nécessaire d’avoir une force surhumaine des muscles du plancher pelvien pour courir. Ne serait-il pas plutôt idéal d’avoir un plancher pelvien endurant et fonctionnel, donc pouvant s’activer rapidement tout au long de la journée et ce, de façon anticipatoire et automatique?

 

Il en reste beaucoup à découvrir à ce sujet, mais, heureusement, la littérature se fait de plus en plus abondante.

 

Si vous constatez des symptômes uro-gynécologiques (p. ex., fuites urinaires, lourdeur périnéale, douleur périnéale) en lien avec la course, rencontrez un.e professionnel.le de la santé spécialisé.e en rééducation périnéale et pelvienne  et possédant une expertise en course à pied.

 

Références

  1. Bø et al. Is Physical Activity Good or Bad for the Female Pelvic Floor: A Narrative Review, Sports Medicine (2020), 50: 471-484.
  2. Goom et al. Returning to running postnatal – guidelines for medical health and fitness professionals managing this population (2019), 40p.
  3. Grillner et al. Intra-abdominal pressure changes during natural movements in man, Acta physiol. Scand (1978), 103: 275-283.
  4. Hodges et al. (2007). Postural and respiratory functions of the pelvic floor muscles. Neurourology and Urodynamics (2007), 26 (3): 362–371.
  5. Koenig et al. Pelvic floor muscle activity patterns in women with and without stress urinary incontinence while running, Ann Phys Rehabil Med (2019), 5p.
  6. Koenig et al. Activation patterns of pelvic floor muscles in women with incontinence while running: a randomized controlled trial, Intern Urogyn Journal (2021), 32 (2): 335–343.
  7. Leitner et al. Evaluation of pelvic floor kinematics in continent and incontinent women during running: An exploratory study, Neurourol Urodynam (2017), 1–10.
  8. Leitner et al. Evaluation of pelvic floor muscle activity during running in continent and incontinent women: An exploratory study, Neurourol Urodynam (2016), 9999: 1-7.
  9. Luginbuehl et al. Pelvic floor muscle electromyography during different running speeds: an exploratory and reliability study, Arch Gynecol Obstet (2015).
  10. O’Dell et al. Vaginal pressure during lifting, floor exercises, jogging and use of hydraulic exercise machines, Int Urogynecol J (2007), 18: 1481-1489.
  11. Shaw et al. Intra-abdominal pressure during activity in women using an intra-vaginal pressure transducer, Journal of Sports Sciences (2014), 32 (12): 1176-1185.

Douanka Gendreau, pht, M. Sc.

Physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne

Maîtrise en physiothérapie

Microprogramme de 2e cycle en rééducation périnéale et pelvienne

Cofondatrice de Pelvi Life Espace santé pelvienne

Enseignante du cours 1.9 de La Clinique Du Coureur