Guérir une tendinopathie par l'alimentation? (partie 2/2)

Dans le premier billet de cette série, nous avons brièvement passé en revue les suppléments alimentaires qui pourraient être bénéfiques pour aider à prévenir ou à guérir une tendinopathie. Nous avons insisté sur trois considérations essentielles:

  1. La quantification du stress mécanique et la remise en contrainte des tendons restent le traitement de choix pour les tendinopathies.
  2. Se cantonner à la supplémentation est réducteur et trompeur.
  3. Optimiser le terrain et le contexte alimentaire est beaucoup plus important, efficace et sécuritaire.

 

Ce second billet met en lumière l’importance du soutien quotidien des différents piliers nutritionnels qui déterminent notre état de santé et notre capacité d’adaptation. Pour ce faire, nous insisterons sur quatre stratégies complémentaires et éprouvées:

  1. Gérer le stress oxydatif
  2. Gérer l’inflammation
  3. Gérer la sécrétion d’insuline
  4. Adopter une approche systémique

 

1. Gérer le stress oxydatif

La démonstration de l’intérêt d’une supplémentation en vitamine C souligne l’importance à accorder au pilier oxydatif. La vitamine C se retrouve de façon naturelle dans les fruits et les végétaux.

 

Gérer au mieux le stress oxydatif appelle une stratégie à quatre volets, soit:

  1. privilégier une alimentation riche en végétaux de saison et biologiques;
  2. consommer des aliments antioxydants (p. ex., cannelle, safran, thym, romarin, petites baies, végétaux bien colorés);
  3. réduire les expositions évitables et non souhaitées aux espèces réactives de l’oxygène (oxygen reactive species en anglais) (1); et
  4. réduire le travail de détoxication hépatique en limitant l’exposition aux contaminants (p. ex., pesticides, métaux lourds, alcool).

 

 

2. Gérer l’inflammation

Les acides gras représentent le constituant principal de nos membranes cellulaires. Les acides gras polyinsaturés, comme les oméga-3, permettent une plus grande fluidité membranaire et, par conséquent, une meilleure communication et de meilleurs échanges entre les cellules (2). Dans un contexte de cicatrisation et d’augmentation du métabolisme local, favoriser les échanges ne peut être que favorable à la résolution du processus inflammatoire.

 

Les carences en oméga-3 observées chez les personnes ayant des tendinopathies révèlent indirectement une incapacité à contrôler l’inflammation, tant dans le temps que dans l’espace.

 

Dès lors, gérer l’inflammation appelle une stratégie à quatre volets, soit:

  1. assurer un apport quotidien en bonnes graisses, riches en acides gras oméga-3 (p. ex., noix, poisson gras et huiles de noix, de colza, de lin ou de caméline);
  2. conserver ces sources d’oméga-3 (particulièrement sensibles à la lumière, à la chaleur et à l’air) dans de petits contenants, au réfrigérateur, pendant un maximum d’un mois et demi;
  3. limiter la consommation d’acides gras oméga-6 (p. ex., graisses animales, huile de tournesol, dérivés de soja); et
  4. n’ingérer des suppléments d’oméga-3 que si les apports en oméga-6 ont été préalablement limités.

En effet, atteindre un ratio adéquat entre les acides gras oméga-3 et oméga-6 est crucial, car les oméga-3 sont les précurseurs des messagers (prostaglandines) anti-inflammatoires, tandis que les oméga-6 sont les précurseurs de messagers pro-inflammatoires.

 

 

3. Gérer la sécrétion d’insuline

L’importance de prendre en compte la régulation de la glycémie dans les processus de dénaturation et de dégénérescence n’est plus à démontrer. En l’absence d’activité physique régulière (p. ex., durant la guérison d’une tendinopathie), un contexte de forte sécrétion d’insuline, voire à long terme de baisse de la sensibilité à l’insuline, favorise le stockage de graisses et, donc, l’entretien d’un contexte inflammatoire.

 

Gérer au mieux la sécrétion d’insuline appelle une stratégie à quatre volets, soit:

  1. pratiquer une activité physique aérobie de façon régulière, même durant la réadaptation d’une blessure («V pour Vascularisation» dans le protocole PEACE & LOVE);
  2. privilégier les aliments bruts, aussi peu transformés que possible;
  3. choisir des sources de glucides à faible charge glycémique; et
  4. privilégier les apports glucidiques plutôt en deuxième partie de journée.

 

 

4. Adopter une approche systémique

Un contexte inflammatoire de bas grade peut faire du stress mécanique la goutte qui fait déborder le vase. Adopter une approche systémique appelle à diminuer les stresseurs alimentaires par une stratégie à deux volets, soit:

  1. favoriser un modèle alimentaire riche en fibres et en végétaux, à faible index glycémique et riche en graisses de qualité; et
  2. veiller à une bonne santé du microbiote intestinal en privilégiant une alimentation brute, non transformée.

 

L’alimentation pour l’adaptation

Certes, on ne s’alimente pas d’abord pour prévenir ou guérir une blessure, mais il est possible d’adopter une alimentation favorable à une bonne santé globale. En effet, l’état de santé conditionne la possibilité d’adaptation, au cœur du mécanisme de cicatrisation et d’augmentation de la résistance à la contrainte mécanique des tissus.

 

Si une blessure invite à remettre en question sa façon de s’entraîner et de récupérer, elle invite aussi à remettre en question ses habitudes alimentaires afin de déterminer comment elle pourrait contribuer favorablement à sa santé, à long terme.

 

En effet, une blessure peut être l’expression visible d’un état de santé perfectible mais dont nous n’avons pas conscience. Or tenir compte de cette expression corporelle, et en faire le point de départ de changements à vos habitudes de vie et à votre alimentation, pourrait bien vous éviter l’installation sournoise, progressive et à long terme de désordres de santé plus importants.

 

C’est, en quelque sorte, ce que nous voulons dire, quand nous invitons nos patients et nos athlètes à «écouter leur corps».

 

 

Messages-clés à retenir

  • Soutenir nos défenses antioxydantes par l’alimentation, c’est avant tout consommer quotidiennement des végétaux de saison, des épices, des aromates.
  • La résolution d’un processus inflammatoire passe aussi par la consommation de graisses de qualité et par une bonne régulation de la glycémie et de l’insuline.
  • Une bonne santé digestive et un microbiote diversifié passent notamment par la consommation de fibres et une alimentation riche en fibres et en végétaux.
  • Une blessure peut être un bon point de départ pour des changements alimentaires à long terme.

 

Références

  1. Lewis JS, Sandford FM. Rotator cuff tendinopathy: is there a role for polyunsaturated Fatty acids and antioxidants? J Hand Ther. 2009;22(1):49-55.
  2. Fenwick SA, Hazleman BL, Riley GP. The vasculature and its role in the damaged and healing tendon. Arthritis Res. 2002;4(4):252-60.

William Seychelles

Enseignant pour La Clinique Du Coureur en Europe francophone et athlète-entraîneur pour Le Coaching Du Coureur