Guérir une tendinopathie par l'alimentation? (partie 1/2)
Les tendinopathies sont fréquentes chez les coureurs. Elles sont le plus souvent liées à une mauvaise quantification du stress mécanique – autrement dit, une augmentation trop rapide du volume, de l’intensité ou du dénivelé. Le traitement passe donc avant tout par un programme d’exercices et une remise en contrainte progressive du tendon (1,2).
Or l’environnement nutritionnel conditionne la capacité des coureurs à tolérer le stress mécanique et à s’y adapter progressivement. En revanche, si cet environnement n’est pas optimal, il peut au contraire amplifier négativement les conséquences de ce stress mécanique, et rendre les tendons plus vulnérables aux pathologies (3,4,5).
Il nous est donc souvent demandé si un contexte particulier, notamment nutritionnel, pouvait favoriser l’apparition de cette pathologie, mais également si le fait d’agir sur l’environnement alimentaire pouvait favoriser une meilleure guérison. Que nous dit la littérature scientifique sur le lien entre l’alimentation et les tendinopathies?
Vitamine C
La vitamine C est un des éléments de défense contre le stress oxydatif. Elle joue aussi un rôle important dans la production du collagène, la composante principale du tendon (7).
La réparation optimale du tendon peut donc être compromise, si la vitamine C est présente en quantité insuffisante dans l’alimentation, ou si elle est rendue moins disponible parce qu’elle est utilisée pour d’autres fonctions de l’organisme.
Dès lors, plusieurs études invitent à recourir à une supplémentation à haute dose en vitamine C (de 500 à 1 000 mg/jour) pour optimiser le processus cicatriciel des tendons (8–11). En revanche, le niveau de preuve est faible. On ne peut donc pas en tirer une ligne directrice claire pour la pratique.
Oméga-3
Les lésions dégénératives de la coiffe des rotateurs sont significativement associées à un faible niveau d’oméga-3 (13), et la supplémentation en oméga-3 (9 capsules/jour contenant chacune 1,53 g d’EPA et 1,04 g de DHA durant 8 semaines) présente un intérêt modeste pour améliorer les scores fonctionnels, chez des nageurs ayant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs (14).
Créatine et glycine
Une supplémentation en créatine soutient efficacement la réadaptation des blessures de surutilisation des tendons, chez des nageurs adolescents (15).
Des études – effectuées sur des rats, devons-nous le préciser – révèlent que la supplémentation en glycine, un acide aminé qui est un constituant majoritaire du tendon, semble aussi présenter un certain intérêt à cet effet (6,16).
Anti-inflammatoires à éviter
Pour les tendinopathies comme pour les blessures aiguës ou traumatiques, les anti-inflammatoires sont à éviter, car ils peuvent entraver l’assimilation de certaines vitamines et de certains nutriments (2,12), en plus d’altérer la diversité du microbiote.
Prendre en considération le contexte
Comme beaucoup d’études en nutrition, celles qui concernent la supplémentation évaluent l’effet isolé d’une substance sur une situation, sans prendre en considération le contexte et le terrain individuel dans lequel cette supplémentation est effectuée. Or il existe une grande diversité de diètes, chacune associée à des statuts en macronutriments et en micronutriments qui varient beaucoup d’une personne à une autre.
De plus, même entre deux personnes aux habitudes alimentaires similaires, ces statuts peuvent varier du fait de différents facteurs (p. ex., activité physique, histoire individuelle, héritage familial, génétique, stress, inflammation, microbiote, santé de la muqueuse intestinale).
Pas de pilule miracle
Étudier les effets de l’alimentation sur les tendinopathies à travers le prisme de la supplémentation est à la fois réducteur et trompeur:
- Réducteur, car cette approche sous-estime l’importance des autres facteurs qui structurent et influencent le terrain alimentaire individuel et l’alimentation quotidienne.
- Trompeur, car elle laisse croire que la supplémentation peut être une pilule miracle et risque d’occulter une réflexion nécessaire sur les facteurs qui rendaient les tendons vulnérables aux pathologies. Pire, cette approche laisse aussi croire que ces compléments ne peuvent être obtenus que par supplémentation, alors qu’ils devraient avant tout être obtenus par la consommation d’aliments complets.
En somme, les suppléments alimentaires, souvent onéreux, ne devraient être qu’en soutien d’une alimentation déjà optimisée.
Facteurs de risque alimentaires
Plusieurs études montrent un lien entre un terrain individuel éloigné de l’état d’équilibre (p. ex., un statut en oméga-3 insatisfaisant) et la survenue d’une pathologie tendineuse.
De même, il existe un lien entre un contexte hyperglycémique et la capacité du tendon à revenir à son état d’équilibre 17–19). Autrement dit, la régulation de la glycémie (la concentration de glucose en circulation dans le sang) affecte la capacité du tissu tendineux à tolérer le stress mécanique et à s’y adapter.
La présence d’un taux élevé de masse grasse augmente également le risque de développer une tendinopathie (20). On ignore toutefois si c’est ce taux de masse grasse, ou encore l’hygiène de vie et l’alimentation qui y est associée, ou encore une combinaison de tous ces facteurs, qui accroît le risque de tendinopathie. On sait en revanche que le tissu adipeux a une activité endocrine qui entretient la présence d’un contexte inflammatoire. En ce sens, réduire l’excès de masse grasse et l’inflammation de bas grade en améliorant la qualité de son alimentation est doublement bénéfique pour la santé du tissu tendineux.
Messages-clés à retenir
- La quantification du stress mécanique et la remise en contrainte des tendons restent le traitement de choix pour les tendinopathies.
- La littérature scientifique évalue l’intérêt de la nutrition sur les tendinopathies avant tout par la supplémentation, mais cette approche est réductrice et trompeuse.
- En matière de supplémentation, l’apport en vitamine C paraît le plus pertinent.
- Afin de favoriser la guérison d’une tendinopathie, le terrain et le contexte alimentaire peuvent être optimisés par la régulation de la glycémie et du statut en oméga-3, ainsi que par une réduction de la masse grasse et de l’inflammation de bas grade.
Références
- Thomas E, Ficarra S, Nakamura M, Paoli A, Bellafiore M, Palma A, et al. Effects of Different Long-Term Exercise Modalities on Tissue Stiffness. Sports Med Open. 2022;8(1):71.
- CP D, RL C. Nonsurgical treatment options for insertional Achilles tendinopathy. Foot Ankle Clin. 2019;24(3):505-13.
- Scott A, Nordin C. Do Dietary Factors Influence Tendon Metabolism? Adv Exp Med Biol. 2016;920:283-9.
- Qiu F, Li J, Legerlotz K. Does Additional Dietary Supplementation Improve Physiotherapeutic Treatment Outcome in Tendinopathy? A Systematic Review and Meta-Analysis. J Clin Med. 2022;11(6):1666.
- Loiacono C, Palermi S, Massa B, Belviso I, Romano V, Gregorio AD, et al. Tendinopathy: Pathophysiology, Therapeutic Options, and Role of Nutraceutics. A Narrative Literature Review. Medicina (Kaunas). 2019;55(8):E447.
- Vieira CP, Guerra FDR, de Oliveira LP, Almeida MS, Marcondes MCC, Pimentell ER. Green tea and glycine aid in the recovery of tendinitis of the Achilles tendon of rats. Connect Tissue Res. 2015;56(1):50-8.
- Russell JE, Manske PR. Ascorbic acid requirement for optimal flexor tendon repair in vitro. J Orthop Res. 1991;9(5):714-9.
- Boyera N, Galey I, Bernard BA. Effect of vitamin C and its derivatives on collagen synthesis and cross-linking by normal human fibroblasts. Int J Cosmet Sci. 1998;20(3):151-8.
- Ömeroğlu S, Peker T, Türközkan N, Ömeroğlu H. High-dose vitamin C supplementation accelerates the Achilles tendon healing in healthy rats. Arch Orthop Trauma Surg. 2009;129(2):281-6.
- Noriega-González DC, Drobnic F, Caballero-García A, Roche E, Perez-Valdecantos D, Córdova A. Effect of Vitamin C on Tendinopathy Recovery: A Scoping Review. Nutrients. 2022;14(13):2663.
- DePhillipo NN, Aman ZS, Kennedy MI, Begley JP, Moatshe G, LaPrade RF. Efficacy of Vitamin C Supplementation on Collagen Synthesis and Oxidative Stress After Musculoskeletal Injuries: A Systematic Review. Orthop J Sports Med. 2018;6(10):2325967118804544.
- Karadima V, Kraniotou C, Bellos G, Tsangaris GTh. Drug-micronutrient interactions: food for thought and thought for action. EPMA J. 2016;7(1):10.
- Hudek R, von Schacky C, Passow A, Abdelkawi AF, Werner B, Gohlke F. Degenerative rotator cuff tears are associated with a low Omega-3 Index. Prostaglandins Leukot Essent Fatty Acids. 2019;148:35-40.
- Sandford FM, Sanders TA, Wilson H, Lewis JS. A randomised controlled trial of long-chain omega-3 polyunsaturated fatty acids in the management of rotator cuff related shoulder pain. BMJ Open Sport Exerc Med. 2018;4(1):e000414.
- Juhasz I, Kopkane JP, Hajdu P, Szalay G, Kopper B, Tihanyi J. Creatine Supplementation Supports the Rehabilitation of Adolescent Fin Swimmers in Tendon Overuse Injury Cases. J Sports Sci Med. 2018;17(2):279-88.
- Vieira CP, De Oliveira LP, Da Ré Guerra F, Dos Santos De Almeida M, Marcondes MCCG, Pimentel ER. Glycine improves biochemical and biomechanical properties following inflammation of the achilles tendon. Anat Rec (Hoboken). 2015;298(3):538-45.
- Screen HRC, Birk DE, Kadler KE, Ramirez F, Young MF. Tendon Functional Extracellular Matrix. J Orthop Res. 2015;33(6):793-9.
- Snedeker JG. How High Glucose Levels Affect Tendon Homeostasis. Adv Exp Med Biol. 2016;920:191-8.
- Avery NC, Bailey AJ. The effects of the Maillard reaction on the physical properties and cell interactions of collagen. Pathol Biol (Paris). 2006;54(7):387-95.
- Gaida JE, Ashe MC, Bass SL, Cook JL. Is adiposity an under-recognized risk factor for tendinopathy? A systematic review. Arthritis Rheum. 2009;61(6):840-9.