Biomécanique de course en descente (partie 1/2)

La biomécanique de course fait l'objet de nombreux débats. Nombre de livres, articles et formations évoquent «la bonne technique de course», «le bon alignement», etc.

 

De nombreuses études (1,2,3,4) montrent que de bons comportements de modération d’impacts comme une cadence élevée, une foulée qui fait peu de bruit ou une mise en charge près du centre de gravité, sont associés à une biomécanique de course «naturelle», plus protectrice.

 

Or la majorité des études sur la biomécanique sont faites sur tapis de course, sans dénivelé. Quels sont les effets de la course en descente sur la biomécanique? On imagine aisément que les contraintes articulaires et les impacts au sol sont différents. Mais que nous dit la science?

 

 

Cinétique et cinématique

La cinétique, c’est l’analyse des forces qui s’appliquent sur un corps en mouvement (p. ex., contraintes articulaires et musculaires, impact au sol). La cinématique, quant à elle, est l’analyse du mouvement du corps dans l’espace (p. ex., angles des articulations, vitesse de mouvement des jambes).

 

Park et coll. (5) ont étudié les effets de la descente sur la cinétique et la cinématique de course en observant 15 hommes, coureurs récréatifs, sur tapis de course, à 11,5 km/h (5:13/km) dans trois conditions différentes: à plat, avec dénivelé négatif modéré (pente de 6 °), et avec dénivelé négatif important (9 °).

 

Contraintes articulaires 

À la hanche, les auteurs ont mesuré une diminution 16 % à 27 % de l'amplitude du mouvement, selon le degré de la pente.

 

Au genou, c’est le contraire: l’amplitude de mouvement augmente de 17 % à 29 %, tout comme la flexion maximale. Le travail du genou pour amortir les impacts augmente quant à lui énormément: de 52 % à 104 %! Le rôle d’absorption du genou, et donc des muscles qui le stabilisent, est prépondérant, en descente.

 

À l'inverse, la cheville semble jouer un rôle mineur d'absorbption des impacts, en descente. En effet, son amplitude de mouvement et son travail augmentent de 30 % à 41 %, selon le degré de la pente.

 

 

Conclusions de l'étude

En descente, la biomécanique de course est modifiée.

 

Logiquement, le travail de propulsion diminue, dans une descente plus prononcée. Le travail articulaire (qui fournit cette propulsion) diminue donc lui aussi. La cheville, étant le principal propulseur, voit son travail diminuer.

 

C'est principalement le genou, qui effectue le travail d’amortissement, en descente. On comprend donc l’association entre la course en descente et certaines pathologies de charge au genou.

 

Recommandations pratiques

Dans un objectif de prévention des blessures, on comprend l'importance de bien quantifier le stress mécanique, qui est plus important lors de la course en descente, en particulier au niveau du genou. Le risque de blessure augmente avec la répétition du geste, surtout lorsque la fatigue neuromusculaire peut diminuer la capacité d'amortissement des muscles. Le bon dosage de l'intensité et du volume en descente est donc primordial.

 

Dès lors, il est pertinent d'intégrer des exercices de renforcement excentrique (6,7,8) dans sa routine, particulièrement pour les quadriceps et les fessiers. Par exemple, il est possible d'entraîner sa capacité à descendre des marches d’escaliers en portant des charges lourdes (p. ex., un gilet lesté), ou de travailler des réceptions de sauts à partir d’un banc ou d'une marche d'escalier.

 

Évidemment, augmentez graduellement la durée, la vitesse et la pente lors de vos entraînements en descente. Vos muscles et articulations pourront s’y adapter à mesure que vous augmentez les contraintes mécaniques. La vitesse de réaction sera elle aussi davantage sollicitée, d’autant plus que le terrain sera varié ou accidenté, et vous permettra d’attaquer ces descentes avec une plus grande confiance!

 

Et les autres paramètres?

Nous avons parlé ici des amplitudes de mouvement de la hanche, du genou et de la cheville, mais qu’en est-il d'autres paramètres comme la cadence et la pose du pied au sol, en descente? Ont-ils un impact sur la performance? Que nous dit la science?

 

Nous y reviendrons dans le prochain billet.

 

Références

  1. Zadpoor AA, Nikooyan AA. The relationship between lower-extremity stress fractures and the ground reaction force: a systematic review. Clin Biomech (Bristol, Avon). 2011 Jan;26(1):23-8.

  2. van der Worp H, Vrielink JW, Bredeweg SW. Do runners who suffer injuries have higher vertical ground reaction forces than those who remain injury-free? A systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2016 Apr;50(8):450-7.

  3. Chan ZYS, Zhang JH, Au IPH, An WW, Shum GLK, Ng GYF, Cheung RTH. Gait Retraining for the Reduction of Injury Occurrence in Novice Distance Runners: 1-Year Follow-up of a Randomized Controlled Trial. Am J Sports Med. 2018 Feb;46(2):388-395.

  4. de Ruiter CJ, van Daal S, van Dieën JH. Individual optimal step frequency during outdoor running. Eur J Sport Sci. 2020 Mar;20(2):182-190.

  5. Park SK, Jeon HM, Lam WK, Stefanyshyn D, Ryu J. The effects of downhill slope on kinematics and kinetics of the lower extremity joints during running. Gait Posture. 2019 Feb;68:181-186.

  6. Magnussen RA, Dunn WR, Thomson AB. Nonoperative treatment of midportion Achilles tendinopathy: a systematic review. Clin J Sport Med. 2009 Jan;19(1):54-64.

  7. Frizziero A, Trainito S, Oliva F, Nicoli Aldini N, Masiero S, Maffulli N. The role of eccentric exercise in sport injuries rehabilitation. Br Med Bull. 2014 Jun;110(1):47-75.

  8. Kingma JJ, de Knikker R, Wittink HM, Takken T. Eccentric overload training in patients with chronic Achilles tendinopathy: a systematic review. Br J Sports Med. 2007 Jun;41(6):e3.

Thomas Dechaumet

Enseignant pour La Clinique Du Coureur en Europe francophone