Rencontre d'experts en biomécanique à Calgary, Canada (Partie 2/2)

J’étais récemment à l’International Society of Biomechanics Conference à Calgary pour y entendre certains des experts les plus renommés en biomécanique. Voici les messages clés de plusieurs études portant sur la course à pied. Notez que La Clinique du Coureur et moi-même ne sommes pas nécessairement en accord avec tout!

 

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BIOMÉCANIQUE DE COURSE

 

23. Goodwin J – Neuromechanical contributions to lower extremity stiffness differ between single leg hopping and running

La raideur du membre inférieur lors des sauts et à la course n’est pas la même. Les muscles de la cheville régulent la raideur du membre inférieur lors des sauts tandis que ceux du genou régulent la raideur du membre inférieur à la course.

 

24. Tacca J – How do prosthetic stiffness and running speed affect the biomechanics and symmetry of sprinters with unilateral transtibial amputations?

Courir plus vite ou avec une prothèse plus rigide que celle recommandée n’influence pas la symétrie des pas chez les sprinters avec amputation transtibiale unilatérale ; mais l’utilisation d’une prothèse plus souple que celle recommandée entraîne des temps de contact asymétriques.

 

25. Khassetarash A – Lower-extremity joint quasi-stiffness in graded running

La raideur à la cheville est réduite lors de la course en descente et l’énergie est absorbée à la cheville. La raideur au genou augmente lors de la course en montée du fait de la demande d’absorption d’énergie réduite. Les coureurs modulent la raideur des membres inférieurs lors d’une course en pente.

 

ÉCONOMIE DE COURSE

 

26. Allen S – Biomechanics predict changes in metabolic cost during running and hopping at different frequencies

Le taux de production de force (c.-à-d. le temps de contact) et le volume musculaire actif prédisent la puissance métabolique (Watt/kg) pendant la course et les sauts mieux que le temps de contact au sol en isolation.

 

27. Day E – Mechanics of the metatarsophalangeal and ankle joints and running economy do not change in response to increased isometric toe-flexor strength

Un programme de renforcement de la musculature intrinsèque du pied sur 10 semaines augmente la force musculaire des muscles intrinsèques du pied, mais ne modifie ni la mécanique de la course, ni la mécanique métatarsophalangienne (gros orteil), ni le coût métabolique de la course.

 

28. Pain M – Energy dissipation due to soft tissue movement of the shank during forefoot and rearfoot impacts at different running velocities

La dissipation d’énergie due au mouvement des tissus mous augmente avec la vitesse de course et avec une attaque du talon.

 

29. Forrester S – Principal component analysis of the relationship between running technique and economy

Analyse en composantes principales sur 153 coureurs – Une meilleure économie de course chez les hommes est liée à un déplacement vertical du bassin moins élevé, un mouvement de la hanche moindre lors de la phase de recouvrement, une flexion du genou moins importante à l’appui et lors du recouvrement. Une meilleure économie de course chez les femmes est liée à une rotation axiale réduite, moins de flexion plantaire à la poussée, abduction maximale plus tôt durant l’appui et une cheville plus neutre au début du recouvrement. Les mesures du bassin étaient corrélées à toutes les vitesses, mais non celles de la hanche et du genou aux vitesses plus rapides. Message à retenir : les coureurs économiques ont une amplitude de mouvement plus petite et des différences entre les hommes et les femmes existent.

 

30. Copriviza C – Effects of manipulating center of mass vertical motion on running economy

Les coureurs couraient à 0 - 75 - 100 - 125 - 150 % de leur mouvement vertical du centre de masse habituel à 2,7 m/s. La puissance métabolique (Watt/kg) était augmentée de 27 % à 150 % du mouvement vertical du centre de masse habituel. Le mouvement du centre de masse et le temps de contact au sol ont expliqué 49 % et 16 % de la variance de la puissance métabolique, respectivement. La longueur de la foulée, le temps de contact au sol, et la flexion maximale du genou augmentaient avec les mouvements du centre de la masse. L’activation musculaire du biceps fémoral, du vaste externe, et du tibial antérieur augmentait avec la réduction du mouvement du centre de masse. L’économie de course est optimisée avec un mouvement vertical du centre de masse de 6 à 8 cm.

 

BIOMÉCANIQUE : ATTAQUE DU PIED AU SOL

 

31. Mahoney J – Footstrike pattern recognition using machine learning on tibial accelerometry

Les systèmes d’apprentissage automatique montrent des résultats prometteurs pour la détection du patron d’attaque de pied à l’aide d’accéléromètres placés sur le tibia. Les réseaux de neurones ont offert une meilleure performance que les machines à vecteurs de support.

 

32. Swinnen W – Triceps surae metabolic energy consumption in rearfoot and mid-/forefoot strikers

Il n’existait aucune différence dans la consommation d’énergie du triceps sural entre les patrons d’attaque de pied ou la consommation d’énergie métabolique du triceps sural en fonction de la consommation d’énergie du corps entier, quel que soit le modèle utilisé.

 

33. Lin-Wei Chen T – Shear wave velocity in the plantar fascia of runners using different foot strike techniques

L’épaisseur et l’échogénicité du fascia plantaire détectées par imagerie par ultrasons étaient similaires entre les coureurs à attaque arrière-pied et avant-pied. Cependant, la vitesse des ondes « shear wave » du fascia plantaire était plus lente chez les coureurs à attaque avant-pied. Les résultats indiquent que les coureurs à attaque avant-pied avaient un fascia plantaire moins élastique que les coureurs à attaque arrière-pied. Une élasticité réduite entraîne une augmentation de la tension et pourrait causer des blessures de l’aponévrose plantaire chez les coureurs à attaque avant-pied. La modification du patron de frappe du pied chez les coureurs devrait être accompagnée d’un programme de renforcement.

 

34. Cheung R – Can impact sound amplitude and frequency differentiate footstrike patterns?

Sur une période de trois ans, il y a <1 % de chance mathématiquement qu’un coureur ne subisse aucune blessure. Les bruits de pas étaient plus faibles (amplitude du son) avec attaque du talon. La tonalité du son (fréquence du son) était plus basse avec attaque du talon et plus élevée avec attaque médio-pied. Il n’y avait pas de relation entre les bruits de pas et les taux de charge verticale.

 

femme cours en relais

 

LA COURSE AU FÉMININ

 

35. Gruber A – Run like a woman: the biomechanics of female runners

78 % des études concernant les blessures liées à la course ne considèrent pas les différences entre les sexes.

 

36. Milner C – Impact loading and tibial stress fracture in female runners

L’accélération axiale tibiale maximale en course à l’extérieur (gazon et trottoir) était presque 2 fois plus élevée que celle mesurée en laboratoire (tapis roulant et au sol) à la même vitesse et à la même cadence. Nous devons mesurer à l’extérieur plutôt qu’en laboratoire et commencer à mesurer de nouvelles associations avec les fractures de stress tibiales.

 

37. Steele J – Run like a woman: frictional bra-breast injuries in running

Les blessures de soutien-gorge par friction chez les coureuses sont fréquentes et peuvent avoir un effet négatif sur les performances sportives, mais elles ne sont pas souvent rapportées par les athlètes. Site internet : www.bra.edu.au/sportsbra   

 

38. Moore I – Economical running biomechanics in female runners

La technique de course à pied utilisée par les femmes n’est pas simplement une version réduite du modèle masculin (Nelson 1977). Métaboliquement, la co-activation musculaire est coûteuse. Une plus grande flexion des jambes lors de la poussée est économique pour les femmes (c.-à-d. moins de flexion plantaire, plus de flexion de hanche/genou).

 

39. Azevedo A – Gender responses to minimal running: preliminary results about interest, participation and training effects

Il y a moins de femmes que d’hommes qui ont essayé la course à pied minimaliste. Après 12 semaines d’entraînement par intervalles pieds nus, l’adaptation biomécanique entre les hommes et les femmes était différente. Les femmes ont réduit la force d’impact maximale à la course pieds nus et en chaussures traditionnelles, mais la réduction chez les hommes n’a été observée que lorsque pieds nus.

 

Après 12 semaines d’entraînement par intervalles pieds nus, les performances sur 30 m et 1500 m se sont améliorées chez les hommes et les femmes, avec plus d’amélioration chez les femmes sur 1500 m. Attention : les performances ont-elles été améliorées par l’entraînement pieds nus ou plutôt par les intervalles?

 

40. Boyer K – Running through the lifespan: benefits and risks for female athletes

Les bienfaits de courir en milieu de vie peuvent être plus importants pour les femmes – c.-à-d. que les conséquences liées à la non-participation à la course et le déclin de la fonction neuromusculaire sont plus importants chez les femmes que chez les hommes. Message à retenir : le vieillissement n’a pas le même impact sur les hommes et les femmes.

 

41. Agresta C – Female runners reduce proximal segment motion and alter stride dynamics postpartum

Les femmes qui courent six semaines après l’accouchement comparativement à avant la grossesse ou au début de la grossesse présentent une flexion du tronc et une excursion du tronc réduites, des excursions du tronc et du bassin en rotation réduites, ainsi qu’une taille de pieds plus grande. Après l’accouchement, le type de course et les facteurs motivant l’entraînement de course à pied sont différents.

 

42. Snyder K – Atalantas assemble: can the women's marathon world record be broken under an optimal cooperative drafting strategy?

Battre le record du monde établi par Paula Radcliffe (2 h 15 min 25 s) serait possible avec le drafting coopératif de quatre coureuses élites basées sur des approches de modélisation. Note : le record a été battu par Brigid Kosgei à Chicago le 13 octobre 2019 (2 h 14. 04).

 

43. Saxton J – Gender differences of joint coordination and kinetics in healthy runners

Le couplage articulaire et les variables cinétiques étaient similaires entre les hommes et les femmes lors de la course sur tapis roulant.

 

44. Benson L – Greater medial-lateral regularity for treadmill vs. outdoor running observed in males but not females

Les données d’accélérométrie en direction antéro-postérieure et verticale sont plus régulières pendant la course sur tapis que la course sur le trottoir. Les signaux des accéléromètres sont plus uniformes d’un côté à l’autre chez les femmes que chez les hommes sur tapis roulant ainsi que sur le trottoir. L’uniformité d’un côté à l’autre chez les hommes était plus grande sur le tapis roulant que sur le trottoir.

 

45. Garcia M – Does gender relate to lower limb asymmetry in adolescent long-distance runners?

En comparaison avec les coureurs masculins, les coureuses adolescentes de longue distance présentaient une asymétrie cinématique des membres inférieurs plus importante au genou dans le plan sagittal et à la cheville dans le plan coronal. Il y avait une grande variabilité dans la symétrie.

 

46. Allen S – Differences in running technique between males and females

La cadence de foulée, la longueur de foulée, et la durée de foulée sont différentes entre les hommes et les femmes (jumelés selon leur niveau de performance et d’économie) quand non normalisées par rapport à la longueur de jambe. Il y avait plusieurs autres différences cinématiques - les femmes présentaient une flexion du genou plus importante immédiatement avant l’appui, l’adduction de la hanche lors de l’appui et fin du swing, l’abduction de la hanche pendant l’appui, la rotation interne de la hanche à la poussée, l’abduction du genou pendant l’appui, l’éversion de la cheville pendant l’appui, et rotation du tronc ; et moins de dorsiflexion pendant l’appui. Les différences cinématiques peuvent avoir des implications sur la conception des chaussures, l’amélioration des performances, et la prévention des blessures.

Kim Hébert-Losier