Les antioxydants et la performance, un heureux mariage?
Il est bien connu que la pratique régulière de l’activité physique améliore la santé et prévient bon nombre de maladies chroniques. Dans un contexte de performance, l’entraînement régulier vise également à développer des adaptations physiologiques qui contribueront à optimiser les capacités du corps. Le fait de réaliser un effort soutenu augmente également momentanément la dépense énergétique et crée une augmentation massive du flux d’oxygène au niveau des muscles. Ce que vous ne savez peut-être pas c’est que cette augmentation du métabolisme et de l’apport en oxygène entraine aussi la formation accrue de radicaux libres dans l’organisme.
Que sont les radicaux libres?
Les radicaux libres sont des molécules hautement réactives qui ont le potentiel d’endommager les cellules du corps. Ils se créent continuellement des radicaux libres dans notre corps. Une production contrôlée de ces molécules apparaît comme un mécanisme essentiel de la signalisation cellulaire. Elles participent ainsi au maintien de l’équilibre dans le corps, notamment en regard des défenses immunitaires. Toutefois, les radicaux libres peuvent également endommager les cellules, les fibres musculaires et contribuer à la fatigue musculaire. À long terme, l’agression répétée des radicaux libres entraîne le vieillissement et peut contribuer au développement de maladies. Notre corps possède naturellement un système antioxydant capable de neutraliser les radicaux libres. Il se crée donc au quotidien un équilibre entre ce qui est produit et ce qui est neutralisé. L’alimentation fournie également des antioxydants qui contribuent au maintien de cet équilibre. Les vitamines C et E, le sélénium et le bêta-carotène sont entre autres des antioxydants présents dans nos aliments. Toutefois, lorsque la production de radicaux libres augmente en flèche, il pourrait être légitime de se demander si un supplément d’antioxydants pourrait améliorer la récupération et la performance?
Performance et antioxydants vont-ils de pair?
C’est en fait une théorie partagée par certains. L’augmentation du métabolisme à l’effort et de facto l’augmentation de la production de radicaux libres pourraient nuire à la performance et à la récupération. Selon cette théorie, la consommation d’une quantité importante d’antioxydants pourrait venir atténuer cette élévation dans la production de radicaux libres, protégeant ainsi le corps contre des dommages jugés trop agressifs. Si certaines études sont parvenues à démontrer un effet favorable sur la performance dans un contexte de supplémentation aigüe juste avant ou pendant un effort, les études sur la supplémentation à long terme sont beaucoup moins concluantes. La prémisse assumant que la prise régulière d’antioxydants pourrait diminuer les dommages et la fatigue musculaire, optimisant ainsi la récupération et la capacité à bien performer lors d’un entraînement subséquent, ne semblent donc pas validées par la littérature.
En fait, un certain niveau de radicaux libres est requis pour stimuler les voies métaboliques qui favorisent le développement des adaptations physiques. Sans cette stimulation, les adaptations développées par le corps en réponse à l’entraînement risquent d’être moins grandes, et donc ultimement, le gain sur la performance s’en trouvera également diminué. Certaines évidences scientifiques démontrent d’ailleurs que l’augmentation de la production de radicaux libres à la suite d’un effort physique est essentielle afin de stimuler l’expression de plusieurs protéines musculaires qui contribuent au développement des adaptations à l’effort. La prise régulière de grandes doses d’antioxydants viendrait bloquer ces processus, nuisant ainsi à l’amélioration des capacités du corps.
Au niveau de la performance comme telle, est-ce que l’augmentation des radicaux libres pendant l’effort pourrait contribuer au développement de la fatigue musculaire? Et surtout, est-ce que la prise aigüe d’un supplément d’antioxydant juste avant ou pendant l’effort pourrait atténuer ce phénomène lors de compétitions, lorsque l’objectif est la performance et non le développement d’adaptation? La question fait encore état de débats. Toutefois, peu d’études supportent le concept qu’une supplémentation en antioxydants tels que les vitamines C et E ou le bêta-carotène pourrait améliorer la performance. De plus, il ne semblerait pas que la prise de ces antioxydants en supplément puisse être bénéfique à la récupération. Toutefois, certaines études ayant travaillé avec un concentré de jus de cerise de Montmorency (ou griotte) semblent démontrer qu’il pourrait s’agir d’un supplément intéressant pour optimiser la récupération. Ce fruit est naturellement riche en phytonutriments ayant des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Il pourrait donc être intéressant d’en consommer après un effort particulièrement intense lorsque la récupération est l’objectif principal.
Le point sur la santé générale et les antioxydants
Au niveau de la santé générale, on sait qu’une consommation élevée d’aliments riches en antioxydants tels que les fruits, les légumes, les noix et les graines est associée à une diminution du risque de maladies attribuables au stress oxydatif. On peut notamment faire référence aux problèmes de santé cardiovasculaire ou au cancer. Toutefois, la littérature actuelle ne supporte pas de manière équivoque le fait qu’une supplémentation en antioxydants puisse apporter les mêmes bénéfices pour la santé. La prise massive de suppléments d’antioxydants tels que le bêta-carotène ou la vitamine E pourrait plutôt avoir l’effet inverse. Lorsque les doses administrées dépassent les apports nutritionnels recommandés, on note un accroissement du risque de mortalité. Notez également qu’à très hautes doses, certains antioxydants peuvent aussi devenir pro-oxydants, ce qui est tout à fait l’effet inverse de ce qui est recherché. La prise de doses massives d’antioxydants est donc à proscrire. À des doses respectant les apports nutritionnels recommandés, il semblerait toutefois que la prise de suppléments d’antioxydants puisse être bénéfique, essentiellement chez les personnes qui ne comblent pas leur besoin via leur alimentation. Les personnes qui consomment une diète équilibrée fournissant suffisamment d’antioxydant ont ainsi peu de chance de tirer un quelconque bénéfice par l’ajout d’un supplément.
Pour l’heure, il semble donc s’avérer préférable de combler ses besoins en antioxydants via les aliments consommés au quotidien, en choisissant des produits peu transformés et riches en nutriments. Comme quoi les aliments peuvent avoir le dessus sur les suppléments quand vient le temps de performer et de prendre soin de sa santé!
Quelques sources alimentaires des principaux antioxydants :
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